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\textclass article
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\fancyhead[RO,LE]{\bfseries La face non patente des brevets logiciels}
\fancyhead[LO,RE]{\thepage}
\fancyfoot{}
\fancyfoot[LO,LE]{\tiny Copyright \copyright 2003 Gérald Sédrati-Dinet - La copie verbatim et la distribution de l'intégralité de cet article est autorisée par tous les moyens, à condition que la présente notice soit préservée.}
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\fancyfoot[L]{\tiny Copyright \copyright 2003 Gérald Sédrati-Dinet - La copie verbatim et la distribution de l'intégralité de cet article est autorisée par tous les moyens, à condition que la présente notice soit préservée.}
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\layout Standard
\begin_inset ERT
status Open
\layout Standard
\backslash
renewcommand{
\backslash
refname}{Bibliographie}
\backslash
nocite{*}
\end_inset
\layout Title
La face non patente des brevets logiciels
\layout Author
Gérald Sédrati-Dinet
\newline
\size footnotesize
sedrati@bigfoot.com
\size default
\newline
\family typewriter
\size small
http://gibuskro.lautre.net/informatology/#nonpatentside
\layout Quotation
\size scriptsize
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
La plupart du temps, lorsque des gens décrivent comment fonctionne le système
de brevets, ce sont des gens ayant des intérêts dans le système.
Aussi ils décrivent le système de brevets du point de vue de quelqu'un
qui souhaite obtenir un brevet puis qui braquerait des programmeurs avec
en disant :
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
donne moi ton fric
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
.
C'est normal, vous savez, lorsqu'ils vendent des tickets de loterie, ils
parlent de ceux qui gagnent, pas des perdants.
Bien entendu, la plupart des gens perdent, mais ils ne veulent pas que
vous pensiez à eux et ils ne parlent donc que des gagnants.
C'est la même chose avec les brevets.
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
-
\size footnotesize
Richard M.
Stallman
\size scriptsize
.
\layout Abstract
Cet article se propose de donner une vision objective du problème des brevets
logiciels.
En partant de l'exposé habituel vantant les diverses justifications en
faveur des brevets logiciels :
\emph on
intérêt défensif
\emph default
pour
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
protéger
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
les inventions des entreprises,
\emph on
intérêt offensif
\emph default
pour tenter de tirer un profit pécunier compensant les investissements
concédés pour l'innovation et
\emph on
intérêt publicitaire
\emph default
pour valoriser les actifs immatériels d'un éditeur de logiciel, cet article
démontre que ces justifications sont critiquables lorsqu'elles concernent
une petite ou moyenne entreprise (PME), éditrice de logiciels.
\layout Abstract
Nous aborderons ensuite les divers
\emph on
aspects sociaux ou sociétaux
\emph default
qui ont suscité une opposition contre les brevets logiciels de la part
d'acteurs aussi divers que des développeurs de la communauté du logiciel
libre, des PME allemandes ou françaises, des membres et commissions d'instituti
ons européennes, des responsables et partis politiques ainsi que des experts
juridiques réputés.
\layout Abstract
Enfin, nous synthétiserons les différents avantages et inconvénients incombant
à la brevetabilité du logiciel en expliquant pourquoi les exposés habituels
sur le sujet restent incomplets et quelle conduite peut tenir une PME,
un petit éditeur de logiciels, face à ce problème.
\layout Section*
Introduction
\layout Standard
Les brevets logiciels constituent aujourd'hui, et particulièrement en Europe
où le droit positif reste toujours opposé à la brevetabilité du logiciel,
un enjeu majeur
\begin_inset Foot
collapsed false
\layout Standard
Ceci est remis en cause par le vote qui doit avoir lieu au parlement européen
de Strasbourg au second semestre 2003, voir la conclusion de cet article.
\end_inset
.
Les discours habituels sont souvent tenus par des experts en
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
propriété intellectuelle
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
.
Ceux-ci vantent les bienfaits des brevets pour l'industrie du logiciel
en avançant toujours les mêmes arguments :
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
protection
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
de l'innovation, rentabilisation de l'investissement et évaluation des
actifs immatériels pour un éditeur de logiciels.
Nous nous proposons dans le cadre de cet article d'examiner en détail ces
diverses justifications et de découvrir en quoi elles peuvent être critiquables.
\layout Section
Premier intérêt patent : défensif
\layout Standard
Il semble normal pour une entreprise à vocation commerciale de
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
protéger
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
les activités innovantes que ses salariés développent dans le cadre de
leur mission professionnelle.
Depuis leur origine au XVème siècle
\begin_inset Foot
collapsed false
\layout Standard
Les historiens du droit s'accordent à définir l'origine des brevets en 1443
à Venise.
\end_inset
, les brevets ont constitué un moyen d'assurer cette
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
protection
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
de leurs inventions pendant une durée et dans une étendue géographique
données.
Aussi, le logiciel devenant une composante économique de plus en plus important
e à l'ère des réseaux de la société de l'information, il semble évident
-- patent, si l'on veut jouer avec le terme anglophone -- d'octroyer au
logiciel une brevetabilité reconnue pour d'autres industries.
\layout Subsection
Autres moyens de
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
protection
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
\layout Standard
Il existe pourtant d'autres moyens de
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
protéger
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
les créations logicielles
\begin_inset Foot
collapsed false
\layout Standard
Les autres moyens de
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
protection
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
présentés ici, suscitent également nombre de critiques et contreverses.
Nous ne portons dans cet article, aucun jugement de valeur quant à leur
utilité effective pour la collectivité ou pour les entreprises usant de
ces moyens ; nous nous contentons de les évoquer dans le but de montrer
que le brevet logiciel n'est qu'un moyen venant se superposer à d'autres.
\end_inset
.
Le
\emph on
droit d'auteur
\emph default
a depuis longtemps été mis en avant afin de légiférer sur les droits accordés
quant à l'utilisation des logiciels.
Désormais, plus ou moins assimilé dans la pratique au
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
copyright
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
anglo-saxon, le droit d'auteur tente de donner à un auteur de logiciel
toute garantie quant à la maîtrise de sa création.
Le droit d'auteur attaché traditionnellement aux logiciels propriétaires
encadre l'utilisation et la copie du logiciel de manière stricte.
Le droit d'auteur des logiciels libres -- rebaptisé
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
gauche d'auteur
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
ou
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
copyleft
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
-- permet l'utilisation, l'étude, la copie et la diffusion de ces derniers
tout en permettant au créateur de logiciels libres de jouir de la reconnaissanc
e de ses pairs et de garantir la conservation de ces libertés dans les évolution
s qui peuvent être apportées à sa création.
\layout Standard
D'autre part, il a été créé en Europe en 1996 un droit spécifique pour les
auteurs d'une compilation résidant dans une base de données.
Ce droit -- dit
\emph on
droit
\emph default
sui generis
\emph on
des bases de données
\emph default
-- garantit au créateur d'une base de données toute exclusivité sur l'utilisati
on et la copie de tout ou partie de la base qu'il a constituée.
\layout Standard
Le principe de
\emph on
concurrence déloyale
\emph default
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
protège
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
également tout créateur de logiciel en interdisant à ses concurrents de
tirer partie de façon substantielle et sans contre-partie de l'investissement
consenti et réalisé pour la création du logiciel.
\layout Standard
Enfin, le
\emph on
secret industriel
\emph default
reste une des méthodes les plus éprouvées pour empêcher ses concurrents
de profiter de ses propres inventions (cf.
le secret de fabrication du Coca-Cola).
Il est cependant vrai que dans le cas où l'invention réside dans l'interface
du logiciel, la fonctionnalité innovante sera directement exposée à la
vue des concurrents.
Il est également notable que la directive européenne de 1991 sur le principe
d'interopérabilité annule notamment tout droit d'auteur et toute interdiction
d'opération de décompilation si l'auteur n'a pas effectué les adaptations
nécessaires à la compatibilité de son programme avec un autre.
\layout Standard
Toutefois, il existe une différence fondamentale entre le
\emph on
brevet logiciel
\emph default
et le droit d'auteur, qui reste la disposition juridique la plus employée
pour la
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
protection
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
des créations logicielles.
Effectivement, le droit d'auteur ne
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
protège
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
qu'une expression de l'invention alors que le brevet s'applique aux fonctionnal
ités mises en
\begin_inset ERT
status Collapsed
\layout Standard
\backslash
oe{}
\end_inset
uvre par l'invention, au delà d'une forme d'expression particulière.
Pour faire un parallèle avec la littérature -- art pour lequel le droit
d'auteur a été initialement créé -- plagier
\emph on
Le voyage au bout de la nuit
\emph default
est interdit tant que Céline ou ses ayants droits bénéficient du droit
d'auteur sur cet ouvrage.
Par contre si cette
\begin_inset ERT
status Collapsed
\layout Standard
\backslash
oe{}
\end_inset
uvre était brevetée, tout écrit portant sur les dommages de la guerre ou
sur les idées sous-tendues dans
\emph on
Le voyage au bout de la nuit
\emph default
serait également prohibé.
\layout Standard
Si le brevetage des idées mises en
\begin_inset ERT
status Collapsed
\layout Standard
\backslash
oe{}
\end_inset
uvre par la littérature n'est heureusement pas à l'ordre du jour, la
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
protection
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
des concepts et méthodes intellectuelles exploitées dans des logiciels
a, depuis les années 90, fait l'objet d'une pression croissante de la part
des grandes entreprises de l'industrie logicielle et culturelle.
Celles-ci considèrent en effet que l'investissement qu'elles peuvent consentir
en recherche et développement devrait être compensé par un droit de regard
sur toute invention complémentaire.
Ainsi, la majorité des brevets logiciels, déposés tant dans les offices
américains qu'européens, sont rédigés de telle sorte que les revendications
ont une portée extrêmement étendue, interdisant à tout concurrent d'investir
dans des pans entiers de la technologie
\begin_inset Foot
collapsed false
\layout Standard
On peut par exemple citer le brevet EP0807891 accordé à Sun Microsystem
Inc.
le 17 mai 2000, portant sur un
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
caddy électronique
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
et remettant en cause la presque intégralité des systèmes de commerce électroni
que.
cf.
\begin_inset LatexCommand \htmlurl{http://swpat.ffii.org/brevets/echantillons/ep807891/index.fr.html}
\end_inset
\end_inset
.
\layout Subsection
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
Protection
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
contre quoi ?
\layout Standard
Il convient de s'interroger sur l'objet de cette demande croissante de
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
protection
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
de la part des grandes entreprises de l'industrie logicielle.
En effet, de quoi veut-on réellement se
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
protéger
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
? Le discours habituel des entreprises et des experts en
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
propriété intellectuelle
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
répond invariablement qu'il s'agit d'empêcher les concurrents d'imiter
l'invention créée par une entreprise pour la répercuter dans leurs propres
logiciels.
\layout Standard
Pourtant, de nombreuses études, parmis lesquelles on peut citer le livre
\emph on
Information Rules, A Strategic Guide to the Network Economy
\emph default
de Carl Shapiro et Hal R.
Varian, ont montré que l'imitation n'était pas un danger dans le cadre
du développement de logiciels.
Les effets positifs de réseau sont particulièrement présents et influents
dans ce domaine.
On désigne ainsi le fait que le bénéfice qu'un utilisateur tire d'un produit
dépend avant tout du nombre d'utilisateurs du même produit.
Si une personne se sert de Microsoft Word comme traitement de texte, c'est
avant tout parce qu'il s'agit du traitement de texte majoritairement utilisé.
Ainsi cette personne pourra facilement apprendre à se servir de ce logiciel
et échanger des documents avec d'autres utilisateurs.
Une conséquence immédiate de ces effets positifs de réseau est qu'ils tendent
à offrir automatiquement un monopole temporaire aux inventeurs qui ont
été les premiers à implémenter leurs idées.
Le temps que les concurrents imitent les idées implémentées dans un logiciel,
ce dernier sera tellement répandu qu'il continuera à attirer les futurs
utilisateurs.
Pour exemple, il existe aujourd'hui des alternatives à Microsoft Word,
comme le traitement de texte issu de la suite bureautique libre Open Office.
Mais en dépit des qualités techniques, économiques et éthiques supérieures
de ces alternatives, les nouveaux acheteurs de traitement de texte continuent
de se tourner vers le produit le plus répandu.
On fait souvent référence à ce principe par l'expression
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
\emph on
First mover takes all
\emph default
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
: le premier qui bouge, ramasse tout.
\layout Standard
Il faut ensuite comprendre que lorsque plusieurs entreprises sont en concurrence
sur des produits avec des fonctionnalités similaires, elles tirent leurs
avantages de leur capacité à offrir un service meilleur que leurs concurrents.
Peu importe qu'un concurrent imite les idées implémentées dans votre logiciel,
si le service que vous offrez autour de ce logiciel est meilleur, l'avantage
sera conservé.
Il s'agit particulièrement de savoir différencier ses propres produits
et de connaître ses clients et leurs dispositions à payer.
On peut par exemple, après une étude de marché, décider de commercialiser
deux versions d'un même produit, l'une pour le grand public avec un prix
attractif mais des fonctionnalités réduites et un autre à destination des
entreprises, certes plus onéreuse mais avec d'avantage de fonctionnalités,
un support ou une assistance plus développés ou un contrat de maintenance
faisant profiter des futures évolutions.
L'important n'est pas ici de vendre un maximum de produits mais bien d'offrir
l'accès à des fonctionnalités et des services au plus grand nombre possible
d'utilisateurs.
\layout Standard
Enfin, Shapiro et Varian soulignent le fait que la conquête d'un marché
ne passe pas par la défense acharnée des droits de
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
propriété intellectuelle
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
, mais au contraire par la recherche d'alliances et de coopérations permettant
le développement de standards.
Une entreprise peut effectivement tirer tout avantage des effets positifs
de réseau, précédemment évoqués, en nouant des alliances avec ses concurrents,
ce qui permettrait à un standard d'émerger et ainsi conforter l'utilisation
des technologies innovantes mises en jeu.
\layout Standard
On voit ainsi que l'imitation par un concurrent d'une fonctionnalité logicielle
peut constituer un avantage et donc que la
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
protection
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
de cette fonctionnalité, qui justifierait l'octroi d'un brevet logiciel,
pourrait même s'avérer contre productive.
\layout Subsection
Coût d'un procès
\layout Standard
Qui plus est, cette
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
protection
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
par un brevet logiciel peut n'être que purement hypothétique.
Dans le meilleur des cas en effet, la fonctionnalité brevetée peut être
exploitée durant toute la durée du monopole privatif accordé par le brevet
logiciel, sans qu'il y ait besoin de la défendre contre des contrefaçons.
Les accords
\emph on
ADPIC
\emph default
-- Aspect des Droits sur la Propriété Intellectuelle qui touchent le Commerce,
en anglais
\emph on
TRIPS
\emph default
: Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights -- obligent maintenant
les pays membres de l'OMC à accorder des brevets pour une durée de
\emph on
20 ans
\emph default
, quel que soit l'objet ou le domaine technique du brevet.
Il se peut très bien que pendant 20 ans, aucun concurrent n'ait besoin
de reprendre une idée logicielle brevetée
\begin_inset Foot
collapsed false
\layout Standard
Cette durée de 20 ans parait d'ailleurs très excessive dans un domaine tel
que le logiciel, où le cycle de vie des produits est beaucoup plus court
-- de 2 à 4 ans selon les spécialistes.
\end_inset
.
\layout Standard
Mais si l'idée brevetée est bonne et qu'elle ne se situe pas dans une
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
niche
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
de marché, il est probable que des concurrents tentent de l'implémenter
dans leurs propres produits logiciels.
Une solution médiane, majoritairement répandue pour régler de tels conflits,
consiste alors à trouver avec le contrevenant un accord à l'amiable conduisant
à un remboursement du dommage induit par la contrefaçon.
On peut ainsi soit demander la cessation de l'exploitation de la fonctionnalité
, soit autoriser le concurrent à continuer cette exploitation, en lui cédant
une licence lui permettant de le faire.
Le coût de telles licences peut être calculé forfaitement ou proportionnellemen
t au montant des ventes du produit implémentant la fonctionnalité sous licence.
Nous reviendrons en détail sur ces accords de licence dans la prochaine
section.
\layout Standard
Enfin, lorsqu'aucun accord n'a pu être trouvé, l'affaire peut être traduite
en justice.
Il faut alors savoir que le coût moyen d'un tel procès s'élève à 50 000
\begin_inset ERT
status Collapsed
\layout Standard
\backslash
euro{}
\end_inset
pour chaque partie en Europe.
D'après les chiffres officiels publiés par l'American Property Law Association
dans son rapport de 1999,
\emph on
Report of Economic Survey
\emph default
, un procès en contrefaçon de brevet coûte aux États-Unis près de 800 000
$ dans le cas où une transaction peut être conclue et s'élève jusqu'à 1
500 000 $ pour chaque partie en cas d'appel.
\layout Standard
D'autre part, il existe un risque pour qu'en cas de recours devant les tribunaux
, le brevet soit annulé.
On estime en effet que 90% des brevets déposés à l'USPTO sont invalides,
par défaut de nouveauté ou d'inventivité (source : Greg Anaronian,
\begin_inset LatexCommand \htmlurl[Patent Examination System is Intellectually Corrupt]{http://www.bustpatents.com/corrupt.htm}
\end_inset
).
\layout Standard
Nul besoin de préciser que des développeurs indépendants ou de petites structure
s ont beaucoup de mal à supporter de tels coûts, que ce soit pour se défendre
contre une contrefaçon ou pour contester la validité d'un brevet déposé
par un concurrent.
Ainsi en 2000, seuls 0,13% des brevets américains ont été contestés lors
d'un procès (le chiffre était de 1,37% vingt ans auparavant).
\layout Subsection
Accords de licences croisées
\layout Standard
Comme nous venons de le voir, la solution la plus couramment employée lors
d'une contrefaçon à un brevet logiciel est de céder au contrevenant une
licence lui permettant sous certaines conditions, en particulier financières,
d'utiliser la fonctionnalité brevetée.
\layout Standard
En fait, il faut bien comprendre, comme nous le détaillerons dans la prochaine
partie, qu'un logiciel est un système complexe, composé d'une multitude
de fonctionnalités.
Aussi, la fonctionnalité brevetée ne porte que sur une infime partie du
logiciel complet.
Et il y a de grandes chances pour qu'un grand nombre d'autres fonctionnalités
soit déjà breveté par des concurrents.
Cette situation conduit généralement les contentieux en matière de brevets
logiciels à se régler par un accord de licences croisées.
Une entreprise donne le droit à une autre d'utiliser la fonctionnalité
qu'elle a brevetée, en contrepartie de quoi la première peut implémenter
les idées brevetées par la seconde.
\layout Standard
La conséquence inhérente à ces accords de licences croisées est qu'un brevet
isolé est rarement -- pour ne pas dire jamais -- défendable face à une
entreprise possédant de multiples brevets de son côté.
On estime ainsi qu'un grand éditeur de logiciel, lorsqu'il possède un gros
portefeuille de brevets et une bonne équipe d'avocats, a les moyens de
contrer la majorité des litiges pour contrefaçon de brevet.
\layout Standard
Ainsi, IBM qui détenait déjà en 1990 le plus gros portefeuille de brevets
logiciels (environ 9000), a déclaré à l'époque dans
\emph on
Think Magazine
\emph default
gagner dix fois plus de royalties en ayant l'autorisation d'exploiter les
brevets logiciels d'autres entreprises qu'avec les royalties perçues directemen
t sur ses propres brevets.
Cela signifie que l'imposant portefeuille de brevets logiciels d'IBM lui
permet de facilement négocier des licences lui autorisant l'utilisation
des idées brevetées par d'autres entreprises.
Mais sans ces accords de licences croisées, le système de brevets logiciels
aurait été dix fois plus préjudiciable à IBM qu'il ne lui aurait rapporté.
\layout Standard
Cet aveu souligne le frein à l'innovation et à la productivité introduit
par le système de brevets logiciels.
Non seulement, comme nous l'avons vu, le dépôt de brevet peut s'avérer
contre productif par rapport à une stratégie d'alliance en vue d'une standardis
ation, mais le blocage induit par les brevets de concurrents peut également
empêcher le développement de l'activité d'un éditeur de logiciel si celui-ci
ne possède pas un portefeuille de brevets logiciels suffisamment imposant
pour contrer ces limitations en nouant des accords de licences croisées
avantageux.
\layout Standard
Ceci est dû à la nature profondément
\emph on
incrémentale
\emph default
de l'innovation en matière de logiciels, qui reste avant tout un
\emph on
système complexe
\emph default
, comme nous allons l'aborder dans la partie suivante.
\layout Section
Deuxième intérêt patent : offensif
\layout Standard
Le second argument avancé obstinément par les défenseurs des brevets logiciels
est que ces derniers incitent les éditeurs de logiciel à innover.
Les coûts concédés pour la recherche et le développement seraient effectivement
compensés par les gains apportés par la vente de licences d'exploitation,
comme nous l'avons vu dans la partie précédente.
Les éditeurs de logiciels pourraient ainsi valoriser leurs inventions en
choisissant un prix de licence et des royalties adaptés et augmenter ainsi
leur propre profit.
\layout Standard
Cet argument correspond bien à l'objectif initial qui fut à l'origine de
l'instauration d'un système de brevets industriels : stimuler l'innovation,
encourager le partage des connaissances technologiques et créer un environnemen
t économique favorable aux entrepreneurs et à la concurrence.
\layout Subsection
Propriétés intrinsèques du logiciel
\layout Standard
Toutefois, cet objectif a été défini pour la valorisation de domaines techniques
fondamentalement différents du logiciel.
Ainsi, il apparaît intéressant de préciser plus en avant les propriétés
intrinsèques d'un logiciel et de les comparer aux motivations qui ont conduit
à voir dans les brevets un moteur pour la recherche et le développement
de produits dans d'autres domaines.
\layout Standard
Le premier facteur poussant à l'introduction de brevets favorisant l'innovation
est le coût important de l'industrialisation des produits dans les domaines
techniques traditionnels.
La production en série d'automobiles ou d'appareils électroménagers nécessite
la construction d'usines de montage et de production dont le coût important
se révèle hors de portée de n'importe quel inventeur isolé.
Si ce dernier est incapable de tirer profit de son invention parce qu'il
ne peut la mettre en production, il est probable qu'il n'aura aucun intérêt
à divulguer sa découverte.
À l'inverse, le système de brevets lui assure qu'il gardera la propriété
et le contrôle de son invention et qu'il touchera des royalties même si
d'autres, possédant des usines permettant la production de masse, se chargent
de l'industrialisation de son invention.
\layout Standard
Dans le domaine du logiciel,
\emph on
les coûts d'industrialisation sont quasi nuls
\emph default
.
Un logiciel peut être reproduit sans ou avec très peu de coûts marginaux.
L'importance croissante de l'utilisation de logiciels libres dans les entrepris
es le démontre.
Des systèmes d'exploitation, des serveurs et des applications entièrement
libres ont pu être largement diffusés sans qu'aucune entreprise n'ait eu
besoin de construire des usines pour produire en masse ces logiciels.
Le mythe de l'inventeur mourant de faim parce qu'aucune entreprise n'a
voulu acheter le droit d'exploiter son invention n'est justement qu'un
mythe pour le développeur de logiciel.
Celui-ci peut sans problème diffuser son logiciel et, de nos jours, trouver
un emploi
\begin_inset Foot
collapsed false
\layout Standard
Le secteur de l'informatique étant en 2003 très peu marqué par le chômage.
\end_inset
en vantant ses qualités, qu'il a pu mettre en
\begin_inset ERT
status Collapsed
\layout Standard
\backslash
oe{}
\end_inset
uvre dans l'écriture et la conception de son invention.
\layout Standard
Deuxièmement, dans les industries traditionnelles, une invention correspond
directement à un produit ou à un procédé de fabrication.
L'inventeur de la carte à puce ne rentre en conflit avec aucune autre invention
: toute carte à puce produite repose entièrement sur son invention et sur
aucune autre.
De même, l'invention d'un procédé pharmaceutique repose sur l'utilisation
de substances chimiques données ayant des effets particuliers sur l'organisme.
La combinaison des mêmes substances chimiques dans les mêmes conditions
conduira automatiquement au même procédé.
Si par contre on change les données en entrée, on obtiendra un nouveau
procédé qui ne recoupera pas le précédent, que les effets sur l'organisme
soient sensiblement identiques ou non.
Si une formule chimique est brevetée, son inventeur sera propriétaire du
produit la mettant en
\begin_inset ERT
status Collapsed
\layout Standard
\backslash
oe{}
\end_inset
uvre.
Si un produit concurrent reprend la même formule, cet inventeur pourra
sans mal faire valoir ses droits.
Par contre l'utilisation de toute autre formule conduira à un autre produit
qu'on identifiera facilement comme étant différent et complètement indépendant
du procédé breveté par notre inventeur.
\layout Standard
À une extrémité diamétralement opposée, un logiciel est un
\emph on
système complexe
\emph default
, comme nous avons pu le voir dans la partie précédente.
Un brevet logiciel ne correspond pas à un seul produit ou procédé logiciel
mais à une fonctionnalité particulière parmis les multiples composants
qui forment un logiciel.
Si des brevets logiciels sont déposés pour les nombreuses fonctionnalités
d'un logiciel de traitement de texte et qu'un inventeur découvre et développe
une nouvelle fonctionnalité, cette dernière sera complètement inutile si
elle est prise isolément.
Pour que sa nouvelle fonctionnalité soit mise en
\begin_inset ERT
status Collapsed
\layout Standard
\backslash
oe{}
\end_inset
uvre dans un logiciel, notre inventeur devra également reprendre toutes
les fonctionnalités habituelles d'un traitement de texte.
Quand bien même cette nouvelle invention serait révolutionnaire, elle devra
s'intégrer parmi les composants existants du logiciel.
Ainsi à un logiciel, il ne correspond pas un unique brevet, mais de multiples
inventions se complétant et formant un tout les unes par rapports aux autres.
\layout Standard
Enfin, l'innovation, en matière de logiciel, est principalement
\emph on
incrémentale
\emph default
.
Chaque invention successive est bâtie sur la précédente.
Si aucune invention n'avait pu permettre aux traitements de texte de voir
le jour, il n'existe aucune chance pour que l'innovation révolutionnaire
que nous venons d'évoquer ait été imaginée.
Alors que les coûts marginaux d'industrialisation d'un logiciel sont quasi
nuls, les coûts de recherche et de développement sont particulièrement
élevés lorsqu'il s'agit d'optimiser les performances d'une fonctionnalité
particulière.
Et cette optimisation se base tout naturellement sur les travaux d'ores
et déjà conduits.
Internet, tel qu'on le connaît aujourd'hui, n'a pu voir le jour que par
l'enrichissement des moyens inventés pour permettre la communication entre
plusieurs ordinateurs.
À partir de là, des applications de plus haut niveau ont pu naître pour
permettre de s'échanger des courriels ou parcourir la toile.
Et les protocoles et langages régissant de nos jours l'écriture de pages
web se basent entre autres sur les protocoles et langages ayant mis en
évidence l'utilité des hyperliens.
\layout Standard
Les exemples peuvent être multipliés à l'envie, mais ce qu'il faut retenir
est que le caractère incrémental de l'élaboration d'un système complexe
comme le logiciel a pour conséquence que le système de brevets peut, à
l'encontre de ses objectifs initiaux, devenir un frein pour les innovations
futures.
Si des brevets logiciels existaient pour les technologies à la base d'Internet,
les applications permettant son utilisation actuelle n'auraient pu émerger
que selon le bon vouloir des détenteurs de tels brevets et au rythme qui
aurait été favorable à ceux-ci et non à la société dans son ensemble
\begin_inset Foot
collapsed false
\layout Standard
Il faut noter qu'au début de l'année 2003, le W3C -- World Wide Web Consortium,
organisme de standardisation des protocoles, langages et techniques à la
base d'Internet -- a adopté, après de longues discussions, une politique
obligeant les entreprises ayant breveté un standard fondamental du Web
a autoriser l'accès libre et gratuit à ce standard.
\end_inset
.
\layout Subsection
Modèle économique
\layout Standard
L'impact des brevets dans un domaine où les inventions sont incrémentales
au sein d'un système complexe immatériel, comme le domaine des logiciels,
a été analysé et démontré dans une étude conduite par James Bessen et Eric
Maskin, professeurs d'économie au Massashussets Institute of Technology
et à l'université de Princeton, réalisée en 1999 et réactualisée en 2002.
\layout Standard
Cette étude propose un modèle économique montrant que lorsque les inventions
ne sont pas isolées mais basées sur des découvertes antérieures, l'imitation
devient un coup de fouet pour l'innovation alors que des brevets forts,
c'est-à-dire de longue durée et très étendus, deviennent un obstacle.
\layout Standard
D'après Bessen & Maskin, la concurrence accroît la taille du marché et ainsi
l'imitation encourage l'innovation tandis que des brevets forts l'inhibent.
Certes, la concurrence peut réduire le profit tiré d'une innovation mais
l'expansion ultérieure du marché conduit à des bénéfices futurs significatifs.
Aussi, une société peut mieux se porter si d'autres sociétés l'imitent
et lui font de la concurrence.
Bien que l'imitation réduise le profit actuel de l'entreprise, elle augmente
la probabilité d'innovations futures, ce qui accroît les profits ultérieurs
de cette entreprise.
\layout Standard
Le modèle économique élaboré dans cette étude s'attache à montrer que si
le monopole privatif concédé par l'obtention d'un brevet reste bien un
facteur incitatif pour l'innovation dans un système statique, c'est-à-dire
où les inventions sont indépendantes les unes des autres, cette vérité
s'inverse dans un modèle dynamique, où les inventions sont incrémentales.
Les hypothèses formulées pour l'élaboration de ce modèle sont parfaitement
adaptées et vérifiées dans le domaine du logiciel où les innovations sont
réalisées dans un processus séquentiel et où le cycle de vie des inventions
est extrêmement réduit.
\layout Standard
Ainsi, ce modèle démontre que le brevet logiciel n'aurait d'utilité économique
que si le monopole était la forme d'organisation la plus utile socialement.
Ce qui est loin d'être le cas, comme peuvent le prouver les récents procès
antitrust contre IBM ou Microsoft.
\layout Subsection
Analyse expérimentale
\layout Standard
Si, comme tout modèle, celui proposé par Bessen & Maskin peut être critiquable,
n'étant qu'une projection de la réalité, les hypothèses sur lesquelles
il se base et les conclusions qui en découlent, ont également été largement
confirmées dans une analyse expérimentale faisant partie de la même étude.
\layout Standard
Les auteurs ont en effet constaté que jusqu'aux années 80-90, l'absence
de brevets logiciels n'avait absolument pas empêché l'économie du logiciel
de croître de façon remarquable, ni les innovations de se succéder à un
rythme extrêmement rapide, bien au contraire.
\layout Standard
Par ailleurs, comme nous l'avons exposé dans la première partie de cet article,
il existe déjà un monopole de fait, lors de l'industrialisation d'une invention
, selon le principe du
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
first mover takes all
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
.
Or l'étude sur l'expérimentation de Bessen & Maskin montre que le taux
d'innovation n'est pas le plus grand lorsque les premiers inventeurs sont
en situation de monopole.
Ainsi le tableau suivant donne les moyennes pondérées des taux d'innovation
annuels selon les phases représentant les mouvements d'entrée et de sortie
de multiples acteurs dans un marché sectoriel concurrentiel :
\newline
\layout Standard
\begin_inset Tabular
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\series bold
Taux pour toutes les inventions
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\series bold
Taux pour les inventions majeures
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\series bold
Taux d'entrée des sociétés
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\series bold
Monopole
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
0,39
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
0,19
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
0,22
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\series bold
Entrée
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
0,57
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
0,29
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
5,05
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\series bold
Équilibre
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
0,62
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
0,22
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
-0,07
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\series bold
Épuration
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
0,36
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
0,18
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
-4,97
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\series bold
Maturité
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
0,43
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
0,22
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
0,16
\end_inset
|
\end_inset
\layout Standard
\SpecialChar ~
\layout Standard
De plus, on peut également remarquer que les dépenses en recherche et développem
ent ont chuté pour les détenteurs des plus gros portefeuilles de brevets
logiciels.
\layout Standard
On peut dès lors conclure que le système de brevets logiciels introduit
des effets anticoncurrentiels défavorables aux petits éditeurs et au contraire
favorables aux concentrations et la préservation de position acquise.
Ces effets anticoncurrentiels connus du brevet avaient été acceptés par
la société dans les industries traditionnelles en échange d'un renforcement
de l'innovation.
Or, dans le cas du logiciel, l'effet des brevets sur l'innovation est exactemen
t l'inverse.
\layout Standard
Qui plus est, les effets anticoncurrentiels des brevets logiciels dépassent
largement ceux constatés dans les industries de systèmes complexes matériels,
par exemple l'automobile, car dans ces industries, la concurrence se joue
quasi exclusivement entre de très grandes entreprises en raison des investissem
ents considérables qu'il faut consentir pour industrialiser une innovation
(cf.
Jean-Paul Smets-Solanes,
\begin_inset LatexCommand \htmlurl[Rapport sur l'innovation]{http://www.pro-innovation.org/rapport_brevet/brevets_plan.pdf}
\end_inset
, 1999).
\layout Section
Dernier intérêt patent : publicitaire
\layout Standard
Enfin, les éditeurs de logiciel favorables au système de brevets, particulièreme
nt les PME soumises à la pression constante d'investisseurs, argumentent
qu'elles sont quasiment obligées de déposer des brevets logiciels, car
ceux-ci favorisent l'évaluation des actifs immatériels de leur entreprise
pour leurs investisseurs.
\layout Standard
Depuis l'émergence de la bulle des nouvelles technologies de l'information
et de la communication (NTIC), les investisseurs se trouvent effectivement
confrontés à un problème pour évaluer de manière quantitative les entreprises
qu'ils financent.
La valeur créée par ces entreprises étant essentiellement immatérielle,
la mesure de cette valeur nécessite selon eux de disposer d'indicateurs
permettant de la quantifier.
Dès lors, le nombre de brevets déposés par une société semble constituer
un tel indicateur pour les investisseurs financiers.
\layout Subsection
Qualité douteuse des brevets logiciels
\layout Standard
Or, comme nous l'avons déjà abordé dans la première partie de cet article,
on estime que 90% des brevets déposés à l'office américain (USPTO) seraient
invalides par défaut de nouveauté ou d'inventivité.
Il faut ici rappeler la définition de ces deux critères.
Dans le droit positif partout dans le monde, à quelques nuances terminologiques
près, ils sont discriminatoires pour l'attribution d'un brevet sur une
invention
\begin_inset Foot
collapsed false
\layout Standard
Il existe un troisième critère dans le droit européen qui stipule qu'une
invention doit être susceptible d'application industrielle -- tandis qu'aux
États-Unis, on exige seulement qu'elle soit
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
utile
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
.
Alors que le terme d'
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
application industrielle
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
est sujet à confusion selon son acceptation latine ou anglosaxonne, la
directive européenne soumise prochainement au vote du parlement ne clarifie
absolument pas ce point en faisant appel à la notion d'
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
effet technique
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
, mais sans définir cette dernière.
Or tout logiciel a un
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
effet technique
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
si l'on accepte le terme trop largement : il suffit de le faire tourner
sur un ordinateur.
Dès lors, si la rédaction de la demande de brevet invoque, par exemple,
l'interaction du logiciel avec des périphériques matériels génériques,
ce critère sera satisfait, quand bien même le c
\begin_inset ERT
status Collapsed
\layout Standard
\backslash
oe{}
\end_inset
ur de l'invention réside dans une formule mathématique.
\end_inset
.
\layout Standard
La Convention sur le Brevet Européen définit la nouveauté ainsi, dans son
Article 54 :
\layout Quote
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans
l'état de la technique.
L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible
au public
\emph on
-- toute personne non tenue par contrat à la confidentialité --
\emph default
avant la date de dépôt de la demande de brevet européen par une description
écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen.
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
\layout Standard
L'inventivité est quant à elle définie par l'Article 56 :
\layout Quote
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
Une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si,
pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de
l'état de la technique.
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
\layout Standard
Le brevet communément appelé
\emph on
One-click
\emph default
, déposé par Amazon.com et accepté en 1998 est symptomatique du non respect
de ces critères.
Il consiste à retenir les coordonnées postales et bancaires d'un client
lors de l'achat d'un livre ou d'un autre produit culturel vendu
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
en ligne
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
, pour que lors de son prochain achat, le client n'ait pas à saisir à nouveau
ces informations.
Cette méthode de vente est appliquée depuis l'aube des temps par bien des
libraires traditionnels qui notent manuellement sur des fiches, l'adresse
de leurs clients réguliers.
Techniquement la solution mise en
\begin_inset ERT
status Collapsed
\layout Standard
\backslash
oe{}
\end_inset
uvre par Amazon.com consiste à stocker sur l'ordinateur du client un identifiant
lors de sa première connexion.
Cet identifiant sera ensuite relu de manière à reconnaître l'identité du
client lors de ses connexions ultérieures et ainsi retrouver ses coordonnées.
Cette technique repose ainsi sur l'utilisation de ce qu'on appelle un
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
cookie
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
, technique connue depuis au moins 1997 (cf.
\begin_inset LatexCommand \htmlurl[spécifications des cookies]{http://www.ietf.org/rfc/rfc2109.txt?number=2109}
\end_inset
).
\layout Standard
Ainsi Amazon.com a pu déposer un brevet logiciel sur un procédé commercial
qui était déjà connu et dont la seule inventivité résiderait dans son implément
ation informatique et son emploi à travers le réseau Internet.
Mais même la technique informatique utilisée faisait déjà partie de l'état
de l'art.
Ce brevet a été exploité par le libraire en ligne Amazon.com pour attaquer
devant les tribunaux son plus sérieux concurrent direct, Barnes & Nobles.
Une première décision de justice favorable à Amazon.com a permis à ce dernier
de se constituer un avantage concurrentiel notable durant la période de
commandes particulièrement accrue des fêtes de fin d'année en 1999, ceci
avant que la Cours d'Appel de l'État de Washington à Seattle n'invalide
ce brevet en 2001.
\layout Standard
De telles anomalies peuvent en partie être expliquées de par le fait que
les offices de brevets sont confrontés à une recherche en antériorité ardue,
voire impossible, en matière de logiciel.
Il n'existe en effet aucune base de données documentaire pour les logiciels
comme c'est le cas pour d'autres sciences, telle que la chimie par exemple,
où les inventeurs consignent soigneusement leurs procédés expérimentaux.
Il n'existe non plus aucune possibilité d'accès au code source fermé des
logiciels propriétaires.
Et ceci est encouragé par le système de brevets : la découverte de l'imitation
d'un procédé logiciel est en effet facilitée si l'on peut consulter son
code source, le code source étant assimilable à une partition en musique
ou à une recette en cuisine, indiquant dans un langage compréhensible par
un être humain, les étapes à suivre pour parvenir à un résultat.
Ceci est d'ailleurs à l'origine de la crainte des développeurs de logiciels
libres face au système de brevets logiciels.
Tout logiciel libre étant diffusé avec son code source, il est à craindre
que les détenteurs de brevets profitent de cet accès pour interdire l'utilisati
on de logiciels libres.
\layout Standard
Mais le code source étant une description algorithmique, mathématique, des
fonctionnalités remplies par un logiciel, la compréhension de l'effet produit
par ces fonctionnalités n'est toutefois pas évidente.
Plus encore, ce qui gêne la recherche en antériorité pour un brevet logiciel
réside dans le fait que les examinateurs ont rarement accès aux manuels
et documentations qui , eux, décrivent de manière textuelle -- presque
littéraire parfois -- les fonctions d'un logiciel.
Là encore, il faut noter que les concepteurs de logiciels libres partent
avec un handicap, puisqu'ils encouragent la publication d'une documentation
libre accompagnant leurs logiciels.
\layout Standard
Ainsi, la qualité douteuse des brevets logiciels existants diminue très
fortement la valeur qu'on peut leur accorder pour mesurer les actifs immatériel
s d'une entreprise (cf.
\begin_inset LatexCommand \htmlurl["Too many patents are just as bad for society as too few", article de Gary L. Reback, paru dans Forbes, le 24 juin 2002]{http://www.forbes.com/asap/2002/0624/044.html}
\end_inset
).
\layout Standard
Ceci revient à posséder de l'argent dans une monnaie qui n'a plus cours,
on est ainsi en possession d'un moyen d'échange, mais ce moyen s'avère
uniquement théorique, puisque la monnaie n'a plus de valeur.
\layout Subsection
Au sein d'un système biaisé
\layout Standard
Mais si certains avancent qu'une augmentation des moyens accordés aux offices
de brevets pour effectuer leur examen pourrait restaurer la valeur accordée
aux brevets logiciels, cela s'avère largement insuffisant.
En effet des changements structurels profonds dans le système de brevets
seraient également indispensables pour que le brevet soit réellement un
instrument pour mesurer la valeur des entreprises et leur capacité à innover.
\layout Standard
Alors que les brevets ont été initialement instaurés dans les industries
traditionnelles pour que la société dans son ensemble bénéficie des innovations
entreprises par les industriels, de nos jours, et particulièrement dans
le domaine des logiciels, la politique des offices de brevets est dictée
par les gros industriels ou les experts en
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
propriété intellectuelle
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
, c'est-à-dire des lobbies, qui défendent des intérêts qui -- c'est un euphémism
e -- ne correspondent pas forcément à ceux de la collectivité.
\layout Standard
Cet état de fait est même dicté par les lois régissant l'activité des offices
de brevets.
Ainsi l'
\emph on
USPTO Corporate Plan
\emph default
de 2000 notait que
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
la première mission de l'industrie du brevet est d'aider les clients à
\emph on
obtenir des brevets
\emph default
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
.
En France, l'article L411-1 CPI stipule que
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
l'une des tâches de l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI)
est de prendre toute initiative en vue d'une adaptation permanente du droit
national et international aux besoins des innovateurs
\emph on
et des entreprises
\emph default
.
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
\layout Standard
Cette pression exercée par les lobbies représentant de grosses entreprises
sur les offices a été récemment mise en évidence lorsque l'analyse du texte,
présenté à la Commission Européenne et visant à un élargissement des brevets
notamment aux logiciels, a montré que ce texte s'inspirait très largement
d'un rapport produit par la BSA, la Business Software Alliance, consortium
regroupant les plus gros éditeurs de logiciels
\begin_inset Foot
collapsed false
\layout Standard
Voir
\begin_inset LatexCommand \htmlurl{http://swpat.ffii.org/papiers/eubsa-swpat0202/index.fr.html}
\end_inset
.
\end_inset
.
\layout Standard
D'autre part les offices de brevets reçoivent directement des États, qui
sont sensés diriger leur politique, des incitations à accepter toujours
plus de demandes, au détriment des critères qualitatifs définissant si
une invention peut être brevetée.
L'article L411-2 CPI précise ainsi que
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
les recettes [de l'INPI] doivent obligatoirement équilibrer toutes les charges
de l'établissement
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
.
Lorsque l'on considère le tableau suivant, on comprend aisément pourquoi
il est plus
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
rentable
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
pour un office de brevets d'accepter une demande de brevet que de la refuser
:
\newline
\layout Standard
\begin_inset Tabular
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\series bold
Brevet accepté
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\series bold
Brevet refusé
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
(en
\begin_inset ERT
status Collapsed
\layout Standard
\backslash
euro{}
\end_inset
)
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
Recettes
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
Charges
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
Recettes
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
Charges
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\series bold
Dépôt
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
+38
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
+38
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\series bold
Rapport d'inventivité
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
+320
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
-1830
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
+320
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
-1830
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\series bold
Obtention
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
+85
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\series bold
Taxes années 2 à 5
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
+25
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\series bold
Taxes années 6 à 10
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
+135
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\series bold
Taxes années 11 à 15
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
+270
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\series bold
Taxes années 16 à 20
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
+530
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\series bold
Total
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\series bold
+3388
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\series bold
-1472
\end_inset
|
\begin_inset Text
\layout Standard
\end_inset
|
\end_inset
\layout Standard
\SpecialChar ~
\layout Standard
Il faut enfin savoir que le cursus professionnel standard d'un inspecteur
consiste à quitter l'office après quelques années de service pour un grand
cabinet de conseil en propriété industrielle.
Dans ces conditions, quelle motivation pourrait avoir un examinateur d'un
office pour refuser l'obtention d'un brevet à un grand éditeur dont il
sera peut-être lui-même le conseiller dans l'avenir ? Quand bien même les
revendications ne correspondraient pas aux critères de nouveauté ou d'inventivi
té et quand bien même ce non respect pourrait être découvert par un accès
quelconque aux connaissances disponibles dans l'état de l'art du logiciel,
il est quasiment certain que la demande de brevet sera acceptée.
\layout Subsection
Autres moyens
\layout Standard
Ainsi, depuis qu'un nombre énorme de brevets logiciels ont une qualité douteuse,
la valeur des brevets a considérablement diminué aux yeux mêmes des investisseu
rs, devenant un indicateur faussé (cf.
\begin_inset LatexCommand \htmlurl["Les PME de l'édition affichent leur méfiance", article paru dans Le Monde Informatique n° 973, du 14 mars 2003]{http://www.weblmi.com/articles_store/973_11/Article_view.html}
\end_inset
ou
\begin_inset LatexCommand \htmlurl[La position de Pierre Haren, PDG de ILOG]{http://swpat.ffii.org/archive/citations/index.en.html#haren01}
\end_inset
:
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
\emph on
L'argument que les start-ups du logiciel ne lèvent pas d'argent sans brevet
est fallacieux, je n'ai jamais rencontré ce cas de figure.
\emph default
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
).
\layout Standard
Mais d'autres moyens de se valoriser auprès d'investisseurs existent.
En premier lieu, avoir un bon produit ou mieux :
\emph on
permettre l'accès à des services offrant une bonne valeur ajoutée
\emph default
aux utilisateurs, reste idéalement la meilleure manière d'attirer à soi
les capitaux.
Toutefois, l'histoire de l'industrie capitaliste et du logiciel en particulier
a maintes fois montré que ce n'était pas toujours le meilleur produit ou
le meilleur service qui parvenait à s'imposer.
\emph on
Développer une bonne stratégie marketing
\emph default
est devenu quasi obligatoire.
En synergie avec une bonne stratégie commerciale, ceci doit permettre à
l'entreprise de conquérir des clients.
Et lorsqu'une société gagne de l'argent, voire devient profitable, nul
doute qu'elle attirera les investisseurs et le capital lui permettant de
développer son activité et de croître.
\layout Standard
Un autre moyen pour un éditeur de logiciel d'obtenir la reconnaissance du
marché peut être obtenu par le biais d'une
\emph on
marque déposée
\emph default
.
Enfin, une
\emph on
position forte dans les organismes de standardisation
\emph default
peut être vue d'une part comme un accroissement remarquable de la reconnaissanc
e d'une entreprise et d'autre part, comme une manière pour celle-ci d'obtenir
l'adhésion des utilisateurs en faisant jouer les effets positifs de réseau
et les stratégies d'alliances évoquées dans la première partie.
\layout Standard
Il n'entre pas dans le but du présent article de détailler l'élaboration
de telles stratégies, mais il importe de comprendre ici que le dépôt de
brevet n'est pas une fin en soi -- sauf si, bien entendu, il s'agit de
la principale, voire l'unique activité de l'entreprise.
Ceci même pour des investisseurs ; si ceux-ci demandent aux entreprises
dans lesquelles ils ont placé leur capital de déposer des brevets, ce n'est
que pour avoir un indicateur de la valeur de l'entreprise.
Ce que veulent les investisseurs en fin de compte, c'est accroître leurs
profits.
Or nous nous sommes attachés dans cet article à montrer pourquoi le nombre
de brevets détenus par un éditeur de logiciel était un mauvais indicateur
de la santé globale de cette entreprise et comment même les brevets logiciels
pouvaient s'avérer contreproductifs pour une PME.
Il est certain que lorsque les investisseurs comprennent cette situation,
ils se détournent du système de brevets et exigent des entreprises d'autres
moyens de les assurer de leur valeur.
Et nous sommes arrivés à un point où les dysfonctionnements du système
de brevets logiciels sont de plus en plus flagrants et où les arguments
en défaveur des brevets logiciels se font de plus en plus entendre.
Au sein même du Parlement Européen, une opposition très forte existe de
la part de la commission aux Affaires Culturelles et de celle chargée de
l'Industrie ou encore du Conseil Économique et Social de l'Union Européenne.
\layout Section
Impacts sociaux
\layout Standard
L'angle adopté dans cet article pour décrire les problèmes liés aux brevets
logiciels a consisté à passer en revue les différents arguments avancés
habituellement avec obstination par les défenseurs d'un système de brevets
logiciels et à montrer comment ces justifications étaient critiquables
et s'effondraient sous l'analyse.
Toutefois, nous serions incomplets si nous n'abordions pas les impacts
sociaux et sociétaux découlant d'une politique favorisant les brevets logiciels.
\layout Standard
La perspective d'une brevetabilité du logiciel dans l'Union Européenne a
en effet vu pour ces raisons sociales, une levée de boucliers de la part
d'acteurs divers : en premier lieu, les développeurs de logiciels libres
ont souligné le danger que la brevetabilité du logiciel faisait courir
à leur activité ; les PME éditrices de logiciel ont suivi le mouvement
en organisant des pétitions contre les brevets logiciels ; comme nous l'avons
déjà souligné, au sein des instances européennes, la commission parlementaire
aux Affaires Culturelles, dont le rapporteur est Michel Rocard, ainsi que
la commission chargée de l'Industrie et du Commerce et le Conseil Économique
et Social de l'Union Européenne, proposent en ce moment même -- en mai
2003 -- des séries d'amendements visant à limiter et freiner le brevetage
des logiciels ; des partis politiques ont pris position, lors des dernières
élections présidentielles françaises, contre les brevets logiciels, notamment
la LCR et les Verts, ces derniers venant d'organiser avec des associations
une série de conférences sur le sujet qui s'est déroulée les 7 et 8 mai
2003 à Bruxelles ; enfin d'éminents juristes critiquent également le système
de brevets logiciels, tels Michel Vivant, notamment coauteur de l'ouvrage
de référence
\emph on
Lamy Informatique
\emph default
\SpecialChar \ldots{}
\layout Subsection
Logiciel
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
en tant que tel
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
\layout Standard
La formulation ambiguë de l'article 52 de la Convention sur le Brevet Européen,
signée à Munich le 5 octobre 1973
\begin_inset Foot
collapsed false
\layout Standard
Ratifiée aujourd'hui par 27 états : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique,
la Bulgarie, Chypre, le Danemark, l'Espagne, l'Estonie, la Finlande, la
France, la Grèce, la Hongrie, l'Irlande, l'Italie, le Liechtenstein, le
Luxembourg, Monaco, les Pays-Bas, le Portugal, la Roumanie, le Royaume-Uni,
la Slovaquie, la Slovénie, la Suède, la Suisse, la République tchèque et
la Turquie.
\end_inset
est à l'origine d'une volonté de la Commission Européenne d'harmoniser
les conditions de la brevetabilité du logiciel avec les politiques suivies
ailleurs, notamment aux États-Unis et au Japon.
\layout Standard
Rappelons le texte de cet article 52 :
\layout Enumerate
Les brevets européens sont délivrés pour des inventions nouvelles impliquant
une activité inventive et susceptible d'application industrielle.
\layout Enumerate
Ne sont pas considérés comme des inventions au sens du paragraphe 1 notamment
:
\begin_deeper
\layout Enumerate
les découvertes ainsi que les théories scientifiques et les méthodes mathématiqu
es ;
\layout Enumerate
les créations esthétiques ;
\layout Enumerate
les plans, principes et méthodes dans l'exercice d'activités intellectuelles,
en matière de jeu ou dans le domaine des activités économiques, ainsi que
les programmes d'ordinateurs ;
\layout Enumerate
les présentations d'informations.
\end_deeper
\layout Enumerate
Les dispositions du paragraphe 2, n'excluent de la brevetabilité des éléments
énumérés aux dites dispositions que dans la mesure où la demande de brevet
européen ou le brevet européen ne concerne que l'un de ces éléments, considéré
en tant que tel.
\layout Standard
Le flou de la formule
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
en tant que tel
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
a ainsi donné l'occasion aux conseillers en propriété industrielle de démontrer
leur talent dans la formulation des demandes de brevets.
Les revendications sont formulées de manière à minimiser l'aspect logiciel
de l'invention, pour mettre en avant la partie matérielle, les termes
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
logiciel
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
ou
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
programme d'ordinateur
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
sont soigneusement évités, permettant ainsi l'obtention de brevets sur
des procédés bel et bien implémentés dans un logiciel, mais couvrant des
méthodes intellectuelles telles que des méthodes éducatives, d'organisation,
de commerce électronique, de conseil, financières ou des méthodes de société
comme le vote électronique.
\layout Standard
De même, le terme non moins ambigu d'
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
application industrielle
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
a conduit à définir une invention comme la
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
solution technique à un problème technique
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
.
La définition précise du domaine de la
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
technicité
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
étant éludée, les nombreux amendements en cours d'études au Parlement Européen
tentent de prévenir que l'on accorde en fait le statut de brevetable à
tout logiciel, puisque toute utilisation d'un logiciel fait intervenir
des phénomènes qui pourraient être considérés comme
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
techniques
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
, de par la seule utilisation d'un ordinateur.
\layout Subsection
Le chemin suivi par l'OEB conduit à la privatisation des idées
\layout Standard
Alors que la convention sur le brevet européen, citée précédemment, interdit
la brevetabilité des programmes d'ordinateur, l'Office Européen des Brevets
-- OEB --, dont les statuts ont été mis en place par cette même convention,
a pourtant accordé de nombreux brevets logiciels depuis les années 80 jusqu'à
nos jours
\begin_inset Foot
collapsed false
\layout Standard
Il est difficile d'en trouver le nombre exact, mais il semble que l'OEB
a accordé au moins 30000 brevets sur des problèmes de programmation, cf.
\begin_inset LatexCommand \htmlurl[Statistiques des Brevets Logiciels de l'OEB]{http://swpat.ffii.org/brevets/namcu/index.fr.html}
\end_inset
.
\end_inset
.
\layout Standard
Le chemin pris par l'OEB conduisant à cette contradiction est constitué
d'une suite d'étapes minimes en apparence que Jean-Paul Smets-Solanes a
parfaitement analysée dans son
\begin_inset LatexCommand \htmlurl[Rapport sur l'innovation]{http://www.pro-innovation.org/rapport_brevet/brevets_plan.pdf}
\end_inset
.
\layout Standard
Une décision de la cour d'appel de Paris, le 15 juin 1981, dans l'affaire
Schlumberger a tout d'abord permis la brevetabilité des inventions contenant
un programme d'ordinateur :
\layout Quote
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
Bien que le procédé revendiqué comprenne six étapes successives, certaines
impliquant indéniablement l'utilisation d'un programme d'ordinateur, la
description globale du brevet ne se réduit pas au traitement d'informations
par ordinateur.
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
\layout Standard
L'OEB a dans un deuxième temps considéré comme brevetables les machines
contenant un programme d'ordinateur innovant, telles que des robots génériques
pilotés par un logiciel.
Dès lors, les revendications des demandes de brevet ont été ingénieusement
rédigées en mettant l'accent sur la partie matérielle.
\layout Standard
Troisièmement, les processus algorithmiques de traitement de l'information
ayant un effet technique ont pu devenir brevetable.
Ceci s'est illustré dans l'affaire Vicom où la décision du Technical Board
of Appeal de l'OEB a été rendue le 15 juillet 1986 :
\layout Quote
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
Même si l'on peut considérer que l'idée sous-jacente d'une invention réside
dans une méthode mathématique, une revendication associée à un procédé
technique dans laquelle la méthode est employée ne concerne pas la protection
de la méthode mathématique en tant que telle.
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
\layout Standard
La quatrième étape a vu apparaître la théorie de la machine virtuelle dans
l'affaire Koch & Sterzel rendue le 21 mai 1997 par le Technical Board of
Appel :
\layout Quote
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
Si le programme contrôle un ordinateur générique connu, de manière à techniqueme
nt modifier son fonctionnement, la combinaison du programme et de l'ordinateur
est une invention brevetable.
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
\layout Standard
Dans une cinquième étape, l'affaire IBM rendue le 4 février 1986 a permis
que les programmes d'ordinateur qui n'étaient pas
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
en tant que tels
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
soient brevetables :
\layout Quote
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
Les programmes d'ordinateur doivent être considérés comme des inventions
brevetables lorsqu'ils ont un caractère technique.
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
\layout Standard
Enfin, on a vu depuis, une étape finale permettant de breveter des méthodes
d'organisation implémentées à l'aide d'un ordinateur, telle que le brevet
EP756731 sur un procédé de sélection interactif pour choisir dans un magasin
d'alimentation les différents ingrédients entrant en jeu dans la préparation
d'un plat cuisiné.
\layout Standard
Depuis, de nombreux exemples de brevets sont apparus, portant sur des méthodes
n'ayant rien d'inventif mais dont les revendications ont été acceptées
parce qu'elles étaient mises en
\begin_inset ERT
status Collapsed
\layout Standard
\backslash
oe{}
\end_inset
uvre par le biais de programmes d'ordinateur (cf.
\begin_inset LatexCommand \htmlurl[Musée d'Horreurs des Brevets Logiciels Européens]{http://swpat.ffii.org/brevets/echantillons/index.fr.html}
\end_inset
).
\layout Standard
Cette stratégie suivie par l'OEB et d'autres offices de brevets conduisant
à la brevetabilité de fait des logiciels a été conduite progressivement,
en franchissant les étapes une à une, presque sans soulever d'opposition.
On est ainsi en droit de s'inquiéter sur les conséquences des prochaines
étapes.
En effet, en autorisant petit à petit les programmes d'ordinateur à être
brevetés, il n'est pas irréaliste de craindre que toutes les méthodes intellect
uelles fassent elles-mêmes l'objet de revendication, ce qui conduirait tout
droit à la privatisation des idées.
\layout Subsection
Nature spécifique du logiciel
\layout Standard
Effectivement, un
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
brevet logiciel
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
n'est pas un brevet sur un logiciel mais un brevet sur un procédé inventif
de traitement de l'information.
Et il n'existe pas de distinction possible entre une suite d'instructions
donnée à un ordinateur et la même séquence d'instruction donnée à un humain.
\layout Standard
Par nature, l'ordinateur n'est qu'un calculateur dont la puissance permet
de réaliser des opérations avec une vitesse et une précision incomparables
par rapport à ce que peut accomplir un être humain.
Les logiciels ne mettent en
\begin_inset ERT
status Collapsed
\layout Standard
\backslash
oe{}
\end_inset
uvre que des procédés n'ayant aucune influence sur les forces de la nature,
et de ce fait, faciles à réaliser.
Mais la puissance des calculateurs a permis de multiplier ces opérations
à un degré de complexité inenvisageable pour l'esprit humain.
On peut ainsi voir les logiciels comme étant un assemblage extrêmement
complexe d'objets mathématiques.
\layout Standard
Il est important de prendre conscience que tout programme d'ordinateur est
scientifiquement équivalent à une preuve mathématique, à un algorithme.
On peut à ce sujet rappeler les propos du Professeur Donald Knuth (
\begin_inset LatexCommand \url{http://lpf.ai.mit.edu/Patents/knuth-to-pto.txt}
\end_inset
) :
\layout Quote
(...) essayer d'établir une distinction entre des algorithmes mathématiques
et des algorithmes non mathématiques (...) n'a aucun sens, car tous les algorithme
s sont aussi mathématiques que possible.
Un algorithme est un concept abstrait sans relation avec les lois physiques
de l'univers.
\layout Quote
(...) Le Congrès a sagement décidé il y a longtemps que les objets mathématiques
ne pouvaient être brevetables.
Il est sûr que personne ne pourrait plus faire de mathématiques s'il y
avait obligation de payer un droit de licence dès que le théorème de Pythagore
est utilisé.
Les idées algorithmique de base que les gens s'empressent aujourd'hui de
breveter sont si fondamentales, que la conséquence menace de ressembler
à ce qui pourrait se passer si nous autorisions les écrivains à détenir
des brevets sur les mots et les concepts.
Les romanciers ou les journalistes seraient incapables d'écrire des histoires
à moins que leur éditeur n'obtienne la permission des propriétaires des
mots.
Les algorithmes sont exactement à la base des logiciels comme les mots
le sont pour les écrits, car ils sont les briques fondamentales nécessaires
pour construire des produits intéressants.
Qu'arriverait-il si les avocats pouvaient breveter leurs méthodes de défense,
ou si les Cours Suprêmes de justice pouvaient breveter leurs jurisprudences
?
\layout Standard
De ce fait, la brevetabilité des logiciels peut entraîner un blocage de
pans entiers de la technologie informatique d'une part et de l'accès global
au patrimoine des connaissances humaines d'autre part.
\layout Standard
En effet si un algorithme breveté est au c
\begin_inset ERT
status Collapsed
\layout Standard
\backslash
oe{}
\end_inset
ur d'une technologie particulière, il interdit le développement de tout
logiciel reposant sur cette technologie.
C'est ce qui c'est passé avec l'algorithme de compression
\family typewriter
LZW
\family default
.
Cet algorithme permet de réduire la taille de données numériques en les
compressant.
Sur les systèmes Unix, un utilitaire --
\family typewriter
compress
\family default
--, utilisant l'algorithme
\family typewriter
LZW
\family default
pour permettre la compression de n'importe quel fichier, a dû être retiré
sous la pression des détenteurs du brevet.
De même, les images au format
\family typewriter
GIF
\family default
reposent également sur l'algorithme
\family typewriter
LZW
\family default
.
Unisys
\begin_inset Foot
collapsed false
\layout Standard
Il est intéressant de remarquer qu'IBM a pu simultanément déposer un brevet
sur le même algorithme de compression.
La rédaction des demandes de brevets logiciels étant tellement absconse,
qu'il n'est pas rare que la même technologie fasse l'objet de plusieurs
brevets concurrents !
\end_inset
, propriétaire de ce brevet, a laissé ce format d'image s'imposer notamment
dans les pages web, avant d'attenter des procès, dès lors que l'on utilisait
un logiciel de manipulation d'images n'ayant pas acheté de licence pour
créer des images
\family typewriter
GIF
\family default
.
\layout Standard
Et lorsque l'on s'autorise à accorder un monopole privatif sur un algorithme,
élément de base de tout programme informatique, on prend le risque de privatise
r non seulement les logiciels potentiels basés sur cet algorithme mais également
toute activité humaine informatisée.
Les dernières décennies ont effectivement vu de plus en plus de méthodes
intellectuelles être transposées dans l'univers de l'informatique et des
réseaux.
Et la privatisation octroyée par les brevets logiciels risque de faire
passer dans le domaine privé des activités aussi importantes que l'éducation
à distance par ordinateur, la lecture de livres digitaux ou le vote électroniqu
e.
Cette privatisation s'effectue aujourd'hui sans soulever de protestation
alors que seuls quelques privilégiés -- en nombre croissant -- ont aujourd'hui
accès aux réseaux informatiques.
Mais lorsque ces activités traditionnelles s'effectueront majoritairement
par le biais des technologies informatiques, il serait sans aucun doute
dangereux d'en laisser le contrôle à des entreprises privées.
\layout Subsection
Les brevets logiciels et la
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
propriété intellectuelle
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
\layout Standard
Les brevets logiciels, comme tous les brevets industriels, font partie dans
les textes juridiques du domaine de la
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
propriété intellectuelle
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
.
Le développement et la critique de ce terme de
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
propriété intellectuelle
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
, de ce qu'il recouvre et des intérêts qu'il suscite, se doivent de faire
l'objet d'un article à part entière.
Nous nous contenterons ici de souligner le fait qu'il regroupe quantité
de notions très distinctes les unes des autres : les brevets, le droit
d'auteur, le droit des marques, etc.
Ces différents concepts juridiques ont des applications très différentes
les unes des autres, ont été mis en place pour des motifs indépendants
les uns des autres et couvrent des droits n'ayant aucun rapport entre eux.
Pourtant tous se trouvent regroupés sous le même terme de
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
propriété intellectuelle
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
.
\layout Standard
Il ne faut pas se laisser abuser par un terme aussi générique traitant d'autant
de notions distinctes.
Dans cet article nous avons traité des brevets -- et plus spécifiquement
des brevets logiciels -- mais en aucun cas de ce que l'on nomme la
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
propriété intellectuelle
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
.
Et quiconque prétend discourir sur la
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
propriété intellectuelle
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
devra étendre son discours de la même manière que celui qui, prétendant
discuter de la
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
physique
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
, devrait embrasser la physique newtonienne, la physique quantique, la relativit
é simple et étendue, etc.
\layout Standard
Le terme de
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
propriété intellectuelle
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
est d'autant plus trompeur qu'il rappelle volontairement celui, plus habituel,
de propriété matérielle.
En nommant ainsi les concepts que l'on a rassemblé sous le terme de
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
propriété intellectuelle
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
, on incite à considérer ces concepts de la même manière que les choses
matérielles.
Or les différences entre ce qui est matériel et ce qui est intellectuel
sont si évidemment prononcées, qu'il est dangereux de les aborder de la
même manière, qui plus est sous l'angle de la propriété !
\layout Standard
Il est toutefois notable que les différents droits de la
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
propriété intellectuelle
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
sont à l'heure actuelle l'objet d'offensives sans précédent de la part
de grands groupes industriels et de puissants lobbies économiques.
Les brevets logiciels en sont un exemple malheureusement notoire.
Ainsi en Europe, la commission parlementaire aux Affaires Légales et à
la Justice se prépare à imposer un texte instaurant la brevetabilité du
logiciel.
On peut s'interroger sur le fait que ce soit cette commission qui soit
chargée de statuer sur le domaine des brevets et non la commission Culturelle
ou celle de l'Industrie, dont les avis n'ont été que consultatifs
\begin_inset Foot
collapsed false
\layout Standard
Pour finalement être complètement ignorés lors du vote de la commission
à la Justice, le 17 juin 2003.
\end_inset
.
\layout Standard
Ces interrogations sont cependant compréhensibles lorsqu'on les considère
selon le point de vue capitaliste des entreprises géantes transnationales.
Celles-ci ont en effet prospéré tout au cours de l'ère moderne grâce à
la propriété matérielle.
L'ère post-moderne, dans laquelle nous entrons actuellement, marque un
changement dans les règles régissant le capitalisme.
L'influence sur le pouvoir des industries traditionnelles laisse de plus
en plus la place aux puissants conglomérats des industries culturelles,
de la communication et des nouvelles technologies.
La propriété matérielle pour cette nouvelle classe dominante n'est plus
à l'ordre du jour alors qu'elle était la clef du pouvoir pour les industries
traditionnelles.
En effet, ces puissantes sociétés transnationales bâtissent plutôt leur
immense fortune sur leur capacité à réguler l'accès aux réseaux techniques
et culturels qu'elles dirigent, définissant ainsi l'intégration ou l'exclusion
des utilisateurs, des consommateurs, des usagers, des clients, des spectateurs,
des auditeurs -- quel que soit le terme employé pour les désigner, pourvu
que l'on évite soigneusement d'avoir affaire à des citoyens !
\layout Standard
Toujours est-il que le terme de
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
propriété
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
étant fondateur de la puissance capitaliste, il est apparu sans doute confortab
le pour régir ce qui est aujourd'hui à la base du pouvoir des industries
culturelles et des NTIC.
En effet, ces entreprises tirent leur puissance de l'accès qu'elles permettent
aux différentes expériences culturelles qu'elles proposent.
Ainsi, peut-on nommer
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
propriété
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
ce droit d'accorder -- ou de refuser -- l'accès aux informations et aux
connaissances et surtout de faire de cet accès une valeur marchande, tout
comme la propriété matérielle, à l'ère moderne, offrait un droit sur les
marchandises échangées.
\layout Standard
Ainsi, évitons ce terme de
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
propriété intellectuelle
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
, parlons spécifiquement du sujet traité -- brevets, droits d'auteur,marques
déposées, etc.
Et s'il faut vraiment discourir sur l'ensemble des ces droits, préférons
le terme d'
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
accès
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
\begin_inset Foot
collapsed false
\layout Standard
Voir à ce sujet : Jeremy Rifkin,
\emph on
L'âge de l'accès.
La révolution de la nouvelle économie
\emph default
; édition La Découverte, 2000.
\end_inset
, plus révélateur de ce que cet ensemble recouvre.
\layout Section*
Conclusion
\layout Standard
Nous avons montré tout au long de cet article que les divers arguments habituell
ement avancés pour justifier une
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
protection
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
des logiciels par des brevets étaient particulièrement inadaptés aux petites
et moyennes entreprises.
Les brevets logiciels n'arrivent pas à
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
protéger
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
les inventions des PME face aux grandes entreprises détenant un imposant
portefeuille de brevets.
Cette
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
protection
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
des innovations serait même contreproductive, l'imitation favorisant souvent
l'adoption de standards.
Enfin, les brevets logiciels, de par le système biaisé des offices de brevets,
ne garantissent pas non plus une évaluation des actifs immatériels de l'entrepr
ise.
\layout Standard
Le seul intérêt pour une PME de déposer un brevet logiciel sur ses inventions
pourrait être de faire ce dépôt avant qu'un de ses concurrents ne le fasse,
auquel cas le développement de sa technologie serait bloqué.
Mais, on pourrait alors objecter qu'il suffit à une entreprise de publier
le plus tôt possible le résultat de ses recherches et développements pour
invalider tout brevet déposé ultérieurement par un concurrent, objectant
ainsi le critère de nouveauté au demandeur de brevet.
Mais, la preuve de cette antériorité étant tributaire d'une décision de
justice, le coût et l'incertitude sur l'issue d'un procès empêche la plupart
du temps les PME de faire valoir ce droit.
\layout Standard
Qui plus est, les impacts sociaux ou sociétaux du système de brevets logiciels
compromettent grandement l'avenir de la diffusion universelle des idées
et l'évolution positive du savoir qui devrait contribuer au patrimoine
de l'humanité.
\layout Standard
Nous en concluons donc que les PME de l'industrie du logiciel ont tout intérêt
à afficher une position allant à l'encontre de toute légalisation des brevets
logiciels.
\layout Standard
Une mobilisation des PME et de tous les acteurs du monde informatique --
et plus globalement de la société civile -- est d'autant plus urgente en
ce moment.
En effet, le 17 juin 2003, la commission du Parlement Européen chargée
des Affaires Légales et de la Justice a adopté un rapport légalisant de
fait les brevets logiciels, en refusant les amendements proposés par la
commission à l'Industrie et celle aux Affaires Culturelles, en ignorant
l'avis du Conseil des Régions de l'Union Européenne, du Conseil Économique
et Social de l'Union Européenne, du Gouvernement Français, de la Chambre
de l'Industrie et du Commerce Allemande, de la Commission sur le Monopole
Allemande, de la Commission sur la Propriété Intellectuelle du Gouvernement
Britannique, de nombreuses études économiques -- y compris celles commandées
et payées par cette même commission parlementaire aux Affaires légales
et à la Justice --, de 94% des participants d'une consultation de l'Union
Européenne sur le sujet, de 400 entreprises et de deux pétitions rassemblant
près de 140 000 signataires.
\layout Standard
Cette même commission à la Justice a même tenté d'avancer le vote du parlement,
devant entériner ce rapport, au 30 juin 2003, ce qui aurait privé les opposants
à la brevetabilité du logiciel du temps nécessaire pour mener une campagne
d'information efficace auprès des députés européens.
Finalement, ce vote est programmé pour le mois de septembre 2003.
\layout Standard
Pour terminer, il nous faut expliquer l'intitulé de cet article :
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
la face non-patente des brevets logiciels
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
.
Le discours habituel -- patent
\begin_inset Foot
collapsed false
\layout Standard
\emph on
Brevet
\emph default
se traduit en anglais par
\emph on
patent
\emph default
.
\end_inset
-- à propos des brevets logiciels est porté par des experts en
\begin_inset Quotes fld
\end_inset
propriété intellectuelle
\begin_inset Quotes frd
\end_inset
qui ont des intérêts en la matière, comme l'exprime parfaitement Richard
Matthew Stallman -- fondateur de la Free Software Fundation et du projet
GNU -- dans la citation qui ouvre le présent article.
\layout Standard
Ainsi, cet article contribue -- nous l'espérons -- à apporter une lumière
sur cette face soigneusement cachée des brevets logiciels.
Peut-être pouvons-nous oser la métaphore de Dracula -- dont la puissance
dévastatrice s'évanouit au contact de la lumière du jour -- comme cela
avait été fait en 1998, lorsque l'Accord Multilatéral sur l'Investissement
\begin_inset Foot
collapsed false
\layout Standard
Observatoire de la mondialisation,
\emph on
Lumière sur l'A.M.I.
\emph default
; éditions de l'Esprit Frappeur et le Monde Diplomatique, 1998, cf.
\begin_inset LatexCommand \htmlurl{http://www.monde-diplomatique.fr/livre/lumiere/}
\end_inset
.
\end_inset
, avait pu être contré par une campagne d'information de la part du mouvement
altermondialiste naissant.
\begin_inset LatexCommand \BibTeX[plainnat]{/home/gibus/informatology/papers/nonpatentside}
\end_inset
\the_end